Ras le bol des motos sages ? Tu veux un truc qui a du caractère ? Qui se mérite ? Un engin de malade ? Je te vois déjà cracher sur les Japonaises en général et Honda en particulier. Et pourtant ! C’est ce constructeur sage qui a la moto la plus folle que je connaisse (d’ailleurs le vrai sage ne commet-il jamais de folies ? ). Jusqu’en 1995 ils ont homologué leur CR 500 en enduro. Ce n’est plus le cas aujourd’hui mais ce gros mono deux temps existe toujours en version cross aux US (ah, les ricains, ils leur faut toujours la plus plus ). Les modèles "carte-grisifiés" rares (et donc recherchés) a "permis" (les rencontres avec la maraichaussée restent épiques ) à quelques félés de se faire une moto à leur mesure, un supermotard extrème. Et dans la série "j’ai du cul", non seulement un pote en a une, mais en plus il est préteur (ce qui n’est pas le cas de tout le monde )...
J’adore ce genre de moto, le truc de débile, de forcené, le 100% passion. Un mono déjà faut être motivé. Préparé, encore plus. Et deux temps, on est hors concours ! Une moto exceptionnelle dont on descend en ayant des tonnes de trucs à dire. Sûr que je n’allais pas laisser passer l’essai ! Bon la moto est dans la lignée des supermotards déjà essayés, dépouillés à l’extrème. Les leviers sont raccourcis pour rentrer derrière des protège-mains (un peu génant pour mes grosses pognes en roulant), pas de rétro (il est tombé avec les vibrations ), pas de clignos (enfin si mais non, ils ne marchaient pas), pas de feu arrière, pas de latérale (pour le poids penses-tu, hé bien non, les vibrations ont cassé son attache ! ), plaque baladeuse, bref je ne te fais pas un dessin. Pourtant Manu a essayé de la rendre "acceptable" par les flics en ajoutant la centrale cligno, le commodo qui va bien, les clignos, rétros etc. Mais ils n’ont pas fait long feu. Les flics lui sautent souvent dessus mais comme il connait son affaire et est presque en règle ils n’ont jamais trop su quoi dire (il est quand même sur le fil...).
Pour le reste la selle est haute mais fine et les grands gabaris comme Manu et moi s’en accomodent. Il n’y a pas de tableau de bord, on fait tout au feeling. Un compteur de vélo a été installé. Je l’ai trouvé bien approximatif. Après avoir gavé le réservoir de 9 petits litres de mélange (pour une autonomie d’environ 110 à 120 km, sans filet car il n’y a pas de réserve), vient l’instant du démarrage. Je pensais que les deux temps se démarraient au kick à la one again. Pas sur ce mono. La technique est comme sur la Duke à la différence qu’il n’y a pas de décompresseur. On actionne donc le kick jusqu’au point dur, on le passe d’un cran, on remonte le kick, on prend soin de bien se positionner dessus (sinon y’a le pied qui ripe : résultat en photo) et on lui met dans la tronche un grand coup de jarret bien viril. Comprenant à qui il a affaire il accepte alors de se faire mener.
Parceque le
CR 500 Supermot’ n’est pas un poney de manège ! C’est pas un promène-mémère ! C’est du cent pour cent pur-sang ! Qui trépigne,
qui grogne, qui cabre, qui ne demande qu’à te désarçonner. Du couillu testostéroné qui a horreur de se traîner. A bas régime c’est madale dans la tronche sur mandale dans la tronche qu’on se prend ! Rouler tranquille ? Chercher son pain ? T’as fini de l’insulter, oui !!?
Les basses besognes ne l’intéressent pas ! C’est un étalon arabe !! Une vraie meule de course !!! Exactement la même que celle des pilotes de monobike. A l’arrêt il fallait mettre des petits coups de gazs pour qu’elle ne cale pas (elle déteste le ralenti) et en ville je gardais souvent l’embrayage tellement elle est intenable.
Elle est hyper dure à conduire, hochètant à basse vitesse, même en première. Il est dit qu’un deux temps a la souplesse d’un quatre temps ayant deux fois plus de cylindres, je peux t’assurer que les twins 4T en ayant une aussi mauvaise que ce mono 2T ne sont pas légion.
On n’arrive pas à rester sur un filet, il faut une certaine vitesse pour que ce soit acceptable. Plus caractériel je ne connais pas. De plus son embrayage avait un souci. Au démarrage la moto avancait sans que je n’ai commencé à le relacher, et si on s’arrêtait en première on sentait que le moteur restait en prise
et il calait -bloup- (au boulot Manu !). Pour rajouter à la difficulté, le point mort est difficile à trouver...
A ce stade je pense que la majorité aura abandonné l’idée de posséder une moto comme ça. Je n’ai pourtant pas encore parlé de la fiabilité extrèmement difficile à obtenir (mais celle-ci a été préparé, la version stock est moins exigeante) : il a fallu deux ans à Manu pour avoir enfin une moto qui accepte d’aligner 200 bornes sans l’emmerder... Et pourtant le gus est super bricoleur. Rajoutons les vibrations super présentes et hyper destructrices (tu sais, la latérale...), avec les fourmis dans les mains qui vont avec. Ca y est, je vous ai tous dégoûté ? Alors c’est parti pour le positif. Imagine à quel point il doit être énorme pour accepter autant de difficultés... Tout d’abord il y a le côté moto d’exception. J’ai déjà eu des motos qui faisaient tourner les têtes. Mais qui fasse sortir de chez eux les gens, ouvrir leur fenêtres, arrêter leur voiture et ouvrir la vitre, ralentir pour me laisser passer, tous essayant de comprendre ce que je chevauche, jamais. Faut dire que le pot laisse la CR faire ses vocalises ! Le bruit est bien sympa.
Ensuite y’a le moteur. Pour peu qu’on soit là où il aime, là où il y a de l’espace. Avec la bonne démul (Manu est en 14x42 au lieu des 14x49 d’origine, et il pense peut-être la rallonger encore) y’a moyen d’accrocher les 200 !! On peut donc cruiser à 160 sans trop forcer (bon sur l’autoroute je tenterai quand même pas). Et dans la virole mes aïeux, mama mia quel bonheur, mais quel bonheur ! Encore plus technique que la Duke 2 , il en donne aussi plus si on arrive à être sur le bon rapport à la réaccélération. Alors, point de senti de piston mais une poussée virile, puissante, vibrante (dans tous les sens du terme), bref génialement orgasmique, rhaaa... Je ne peux pas donner les régimes (pas besoin d’expliquer pourquoi) mais s’il déteste être trop bas, il est assez coupleux puis passe un cap à partir duquel il tempète, envoyant du gros avec un peu d’allonge. Trop haut il ne donne plus rien et il ne vient pas à l’idée de le forcer. L’absence de compte-tours n’est pas très génante. Encore qu’il aurait pu être utile pour bien se positionner en bas de la crète de couple. Car lorsqu’on y est en deux elle se lève toute seule et permet de jouer un peu, j’en ai réussi quelques-uns. Avec un peu d’expérience et en tirant sur le guidon on arrive à les déclencher jusqu’en quatre, ce qui permettait à Manu de me doubler sur une roue même passé 120 (il les tenait bien)... Une vraie moto à wheelings quoi, même si beaucoup se retournent avec.
Ben oui, c’est un deux temps donc peu ou pas de frein moteur ! S’il y en avait un peu sur la RG 500 , y’a qued’ sur celle là . Lorsqu’on coupe il se tait et on ne peut pas compter sur le frein moteur à la deccélération pour nous ralentir (ce qui rajoute à la technicité dans la virole car l’on ne bénéficie plus de cette aide précieuse sur un quatre temps pour "sentir" où l’on se trouve en régime). D’où l’importance d’un frein arrière qui va bien, ce qui n’était pas le cas ici. La course du frein arrière était trop longue, au pied comme au levier (Manu ayant rajouté un deuxième frein arrière), ça m’a géné. Par contre à l’avant y’a ce qu’il faut. Etrier Beringer 6 pistons, maître cylindre radial, ça cause (j’ai d’ailleurs appris que le disque de frein était garanti à vie chez Beringer, par contre comme c’est un disque flottant la frète s’use et doit être remplacée). Associé au petit poids de la bête dans la virole les freinages sont monstrueux, trappeurs only. Et ça convient bien à Manu qui aime bien freiner tard alors que j’ai une conduite un peu plus coulée. Pour finir la partie-cycle (ressorts et amorto Ohlïns) allait super bien, sans enfoncement excessif de la fourche au freinage ou réaction bizarre au changement d’angle, les SC2 achevant de mettre en confiance. Pourtant Manu trouve les réglages prefectibles. Il a perdu l’avant deux-trois fois sur piste et elle dribblait parfois lorsqu’il l’emmenait sérieusement (pas de souci de mon côté durant l’essai).
En résumé, oui il y a d’énormes contraintes mais une moto d’exception se balançant comme une plume, offrant des accélérations orgasmiques, dotée d’un freinage de dingo, et d’un chassis au top, ça se mérite !!! Merci Manu de m’avoir prété la moto la plus folle qu’il m’ait jamais été permis d’essayer. Si je me prends une 750 Mach IV et qu’elle ne m’offre ne serait-ce que 10% de la tienne je serai comblé...
Je te l’ai dit, la CR est une moto de malade. Bien sûr, tu as le droit de douter. Mais cette petite vidéo devrait achever de te convaincre...
L’équipement. Achetée 4700 euros, Manu y a mis 7000 euros de plus pour obtenir sa machine de malade, et il en a fait un max tout seul. Voici un maigre échantillon des modifs. Guidon Pro Taper (ne pliant pas quand on tombe). Jantes Bud Racing. Collecteur enduro FMF et "silencieux" cross FMF. Vertèbre en alu sur le pot pour le protéger des chutes. Selle modifiée pour amoindrir le mal au cul (elle ne s’est pas faite remarquer durant mon essai). Deuxième frein arrière monté au guidon (pour les wheeeels). Amplificateur d’embrayage. Réducteur de bruit (un clapet dans le silencieux permet d’un peu moins se faire remarquer ). Compteur de vélo (bourré en permanence). Centrale clignotant rajoutée mais en panne. Commodo pour les clignos à droite (il n’y avait plus de place à gauche avec le deuxième frein arrière et l’amplificateur d’embrayage). Du coup le coupe contact est à droite. Ressorts de fourche et amorto Ohlïns. Peinture du cadre et du bras oscillant pour être de la même couleur que la fourche (quel coquet ce Manu ).
La préparation. Bon je ne sais pas tout ce qui a été fait dessus. Manu l’a récupéré déjà préparée au niveau des lumières d’admission je crois clapets etc. Il a serré quatre fois avant de "trouver" les bons réglages (en fait c’est un préparateur qui a réussi à la régler ). Un des serrages était du à une mauvaise bougie, une BR9ES au lieu de BR9EG qui lui a percé le piston en 35 km (l’étincelle ne se déplace pas de la même façon, ceci expliquant cela selon NGK) !! Un gicleur a du être réalésé. L’huile est de la Elf de compétition HTX 976 permettant un mélange plus pauvre à 2,5% au lieu des 5% d’origine (avec du 95 ou du 98, ça ne change rien). Actuellement il n’est plus embété. Mais rassure-toi, un CR non préparé est beaucoup moins pointu à régler pour une bonne fiabilité. Reste que celui-ci développe 75 chevaux (pour 110 kg), miam quoi... Reste plus qu’à choisir son camp.
Janvier 2009 : Ca y est, j’ai choisi mon camp !
Ici, tout sur celle qui m’a possédé .